HS#19 : Ciudad de Potosi : Poto Si o Poto No ?
- olivier gavazzi
- 13 mai 2022
- 8 min de lecture
Quel jeu de mot pourri Olive !!!
Effectivement, ce n’est pas le meilleur jeu de mot de l’histoire mais vous allez comprendre pourquoi dans quelques lignes.

Tout d’abord un peu d’histoire
Même si personne ne connait Potosi, il y a fort fort longtemps Potosi était considéré (par les Boliviens) comme la capitale du monde car c’était une des villes les plus prospères et peuplées du monde.
Mais qu’est-ce que tu nous racontes, si c’était le cas on le saurait !!!
Je ne vais pas remettre en doute vos connaissance en culture générale car nous les premiers nous ne le savions pas.
Potosi était connu pour sa ruée vers l’Argent car ses montagnes (4.000m d’altitude) environnantes étaient et sont toujours remplies d’argent (la plata), ce minerai qui a servi à créer les premières pièces de monnaie, rien que ça !!!
Et pour les anecdotes selon le guide du routard
L’expression « C’est le Pérou » fait directement référence aux mines d’Argent de Potosi qui à l’époque coloniale appartenait à la vice-royauté du Pérou.
« ça vaut un Potosi » est une expression espagnole longtemps utilisée signifiant « riche comme Potosi » (comme Crésus pour les français).
De nos jours Potosi a perdu de sa superbe – surtout comparé à sa voisine Sucre – c’est devenu une ville de 200.000 habitants sale, sans saveur que l’on a uniquement envie de traverser sans y laisser son embrayage dans ses innombrables montées et descentes.
Mais pourquoi y aller si c’est si moche ?
Pour 2 choses
La Casa de la Moneda qui explique l’histoire de la ville et « l’industrialisation » de la création de monnaie.
La visite de la mine qui est toujours en activité
Et ce dernier point explique le titre :
Est-ce que je veux visiter la mine encore en activité ?
Est-ce que c’est « juste » de visiter alors que le prix de la visite doit représenter leur salaire quotidien ?
Quel sera le ressenti des mineurs à la vue des touristes ?
Est-ce que je serai à l’aise ?
En gros plein de questions, interrogations sur cette visite.
Après réflexion et recherches sur internet : la décision est prise j’y vais !!!
Le destin (un portail fermé) a en plus arrangé les choses, je vais y aller un samedi au lieu du vendredi et donc croiser peu de monde car ce sera la veille du 1er mai.
Rdv donc pris le samedi 30 avril à 13h00 pour aller visiter la mine en activité de Potosi.
Avant cela 3h de route depuis Sucre et visite de la casa de la Moneda.
11h00 : ticket d’entrée pris pour la casa de la Moneda au prix des touristes soit 4x plus cher … je me lance dans la visite et on m’interpelle : c’est une visite guidée en groupe obligatoire.
Super ça commence bien !!!
« ok, nos vamos cuando ? » quand le groupe sera assez important.
Alors là, madame, on ne va pas être d’accord car j’ai un timing assez serré.
Je lui indique ma contrainte et elle me dit que je pourrai faire qu’une partie de la visite… et ça tu ne peux me le dire en achetant le billet !!!
Cerise sur le gâteau, pour faire des photos il faut payer en plus : no way, je suis Français je vais frauder ;-)
11h30 : c’est parti pour la visite guidée d’1h30 en Espagnol. Je regarde autour de moi, je suis le seul étranger, élément que je confirmerai lorsque la guide comptera le nombre de tickets, le mien était bleu et il est bien seul entre les jaunes et les roses pour le supplément photo.
La visite se passe plutôt bien, les explications sont claires sur l’origine de la ville, la création de pièces à l’initiative des Espagnols, les étapes de production tout d’abord manuelle et ensuite plus industrielle ou encore la symbolique des pièces.
La légende dit que le sigle de Potosi sont les lettres PTSI et que si on les superposent on obtient le sigle du dollar US $.
Cette fabrique à monnaie a fonctionné près de 400 ans et était une des plus importantes du monde avec celle de Mexico et une aux Etats-Unis (pas retenu la ville)
Entre chaque nouvelle étape, nous pouvons observer des peintures de cette époque : rien de bien sensationnel à ce niveau-là.
12h35 : et nous n’avons pas encore parcouru la moitié selon la guide, moment pour moi de regagner la sortie et trouver le temps de manger avant ma 2ème partie de la journée.
Je quitte donc le groupe et croise un autre guide en plein pause déjeuner, je lui demande la direction de la sortie, qu’il fait d’un geste laconique de la main.
Peu importe sa désinvolture, je pars dans cette direction et ô surprise plein de salles nouvelles, je me fais ma propre visite grâce aux écriteaux, je suis seul, je peux faire toutes les photos que je veux et je vais enfin à mon rythme.
12h55 : Je sors du musée, heureusement que l’agence pour la mine est juste en face.
Je m’empresse d’aller acheter à grignoter (kitkat et gateaux aux chocolats) dans la tienda attenante et me remémore ce musée que l’on nous a tant vanté : le plus beau de la Bolivie pour certains.
Oui c’est intéressant mais ça n’arrive pas à la cheville du planétarium de Bogota qui reste pour moi le #1 et de trèèèèèèèèèèès loin.
La mine
13h01 : je rentre dans l’agence, un couple d’Allemand attend également, je m’excuse du retard et on me dit que le départ est à 13h30 … au mieux
Ah oui, j’avais oublié l’organisation bolivienne !!!
J’aurai eu le temps de bien manger… je paye et signe une décharge de non-engagement en cas de problème
Porqué ? vous savez, la mine est en activité et la priorité n’est pas donné aux touristes dans les galeries, priorité aux mineurs et aux chariots chargés à bloc ce qui peut causer des problèmes de temps en temps, mais ne vous inquiétez pas, aujourd’hui vous ne devriez pas rencontrer beaucoup de monde.
Hier était jour de paye et demain c’est férié, aujourd’hui ils décuvent !!!
Ne souhaitant pas attendre dans l’agence, je pars visiter la ville et revient à 13h30.
Mes 2 acolytes de la visite (1 Allemand et 1 Anglais) ne sont pas là … ils arriveront à 14h.
Pendant ce temps, je discute avec le couple d’Allemand qui a fait cette visite il y a 2 jours et qui sont encore enthousiasmé d’avoir vu des mineurs travailler dans des conditions d’un autre temps.
Content pour vous, mais moi c’est justement ce que je ne veux pas voir !!!
On part enfin en direction d’une maison pour se changer et se vêtir d’habits de mineurs : pantalon, veste et frontale.
Le guide nous indique qu’il va faire chaud donc pas la peine de mettre trop de couche de vêtements.
On prend un bus en direction de la mine et on s’arrête à côté d’une tienda pour officiellement nous expliquer les « outils » de travail des mineurs
Feuille de Coca pour l’altitude, nous sommes à 4200m d’altitude à l’entrée de la mine
Alcool à 97°C pour se donner un coup de boost Je n’y croyais pas, donc je lui ai indiqué comment ? le guide remplit le bouchon et boit cul-sec, avec ça, s’est reparti pour un tour !!! L’allemand essaiera, pas le reste de la troupe (non je ne ferai pas la blague sur les Alliés)
Bâton de dynamite et accessoire pour tout faire péter !!! L’allemand voulait en acheter en souvenir pour « sa collection personnelle » No way lui dira la vendeuse et le guide, c’est que pour les mineurs. Il négociera pour en acheter 1 et la faire sauter dans la mine : ok pour tout le monde.
Des gants de travail ou plutôt des gants de jardinage pour pousser les wagons.
Avant de reprendre le bus nous avons droit à plusieurs explications sur l’exploitation de la mine
Elle appartient à l’Etat
Elle est exploitée par des coopératives
Les mineurs sont affiliés à ces coopératives et leur reversent 12% de leur gain
En gros les mineurs sont payés par rapport à leur gain réel (pas d’employé) et doivent acheter tout leur matériel nécessaire.
La transition est toute faite et notre guide nous indique que nous pouvons acheter des packs tout prêts à offrir aux mineurs à la fin de la visite incluant tout ce qui est cité ci-dessus.
Nous nous exécutons sans aucune hésitation et achetant chacun un pack complet au prix de 35BS soit 4,5€
En suivant, le guide nous confirma la dureté des conditions de travail, que ces les personnes travaillent comme il y a 200 ans mis à part l’utilisation de perforeuses à la place des pioches.
Il nous indique avoir travaillé plusieurs années dans la mine avant de se lancer dans le tourisme car il parlait anglais et que les autres mineurs l’encourageaient à changer de métier : « tu sais on préfère que ça profite à un de nous plutôt qu’à d’autres »
Ce guide (oui je ne me souviens plus de son nom, mais c’est l’agence Koala Tour) est passionnant dans ces histoires, son vécu et son authenticité.
Ici pas de folklore ou de chichi et c’est ce que je suis venu chercher.
Il nous indique que nous ne verrons pas de mineur aujourd’hui à mon plus grand soulagement contrairement à mes compagnons de route de 15 ans de moins…
On prend le bus pour quelques minutes et nous apercevons l’entrée de la mine ou plutôt un trou dans la terre signifiant l’entrée de la mine.
Je suis devant avec le guide et il reçoit un appel de sa copine/femme.
Étant presque sourd (une des autres maladies liées à ces conditions de travail extrême) à cause du bruit des explosions, j’entends toute la discussion avec cette femme qui lui demande où il est, ce qu’il fait, quand est-ce qu’il rentre…
S’engage une discussion entre nous où on finira par se demander notre âge : 38 ans tous les 2 et « pas la même gueule », la sienne est marquée par le poids des années de dur labeur manuel.
Il finira la conversation par « tu peux te rendre compte à mon visage de la dureté de ce travail »
Aucun commentaire de ma part : 1ère grosse claque
2ème grosse claque quelques secondes plus tard : dès l’entrée dans la mine
Quelle odeur !!!
Un mélange de souffre, sueur, déchets en tous genres.
Ça ne sent pas mauvais mais c’est prenant et ce sera le cas les 2h30 de notre visite sous la terre.
A ceux qui liraient ces lignes et qui envisageraient de faire cette visite soyez prêts à marcher le dos arrondi, ramper, utiliser des échelles ballantes.
En gros ne soyez pas claustrophobes et/ou sujet aux vertiges.
La visite est très intéressante à la lueur de nos lanternes (il n’y a évidemment pas de lumière à l’intérieur) et entrecoupée de pause pour reprendre sa respiration et d’anecdotes plus ou moins joyeuses de mineurs
Une énorme fraternité entre les mineurs : quand on est mineur c’est pour la vie
Il y a 3 français dans la mine… 3 journalistes qui vont écrire un livre sur les conditions de travail
Les galeries ne sont pas droites et uniformes, en effet, les mineurs suivent la trace de l’argent pour en extraire le plus possible.
En gros, les galeries sont comme les veines de notre corps : des grandes, des petites, jamais rectilignes, certaines se rejoignent …
Il est très dur voire impossible pour un néophyte de se retrouver dans la mine et il n’existe aucune carte
Cette mine est aussi un cimetière à ciel fermé compte tenu du nombre de personnes qui ont perdu la vie … et encore de nos jours surtout à cause de la dynamite.
Pour faciliter l’exploitation, les mineurs utilisent des bâtons de dynamite en grande quantité (20 à 30 à chaque fois) et pour être sûr que tout a explosé ils comptent … et de temps en temps pas assez bien …
Aujourd’hui le sort des mineurs aux yeux du public est « valorisé » avec la tragédie heureuse des 33 chiliens ensevelis sous terre plusieurs jours après l’affaissement de leurs galeries.
Concernant la mine de Potosi, selon lui l’issue sera identique, depuis qu’il est né il a vu que la montagne s’affaissait et un jour ou l’autre elle s’effondrera mais pour le moment tout le monde ferme les yeux c’est toute l’économie de cette ville et même du pays qui en dépend.
Je ressors de cette visite changé, je n’ai pas les mots mais quelle chance nous avons, nous petits français de vivre selon notre mode de vie et pas dans ces conditions extrêmes.
Vidéo de l'intérieur de la mine sans activité
PS : l’Allemand a bien fait exploser son bâton de dynamite à la sortie de la mine
J’ai filmé mais la forte détonation m’a fait sursauter et étendre mon téléphone…
Et oui estimons-nous chanceux de vivre dans nos conditions exceptionnelles par rapport à tous ces travailleurs.. bravo ! exposé intéressant